L’entreprise à mission

L’entreprise à mission

Source :

Loi Pacte : les différences entre intérêt social, raison d’être et société à mission

MALLORY LALANNE Le 19/09/2019

La loi Pacte entend repenser la place des entreprises dans la société. Cela passe par trois mesures « d’ouverture » : l’intérêt social élargi, la possibilité de doter la société d’une raison d’être ou de lui donner une mission. Découvrez les différences entre ces trois notions.

Repenser la place des entreprises, et engager une véritable réflexion sur leurs engagements et leur finalité. C’est ce que la  loi Pacte prétend faire. Pour remplir cet objectif, la loi a en premier lieu modifié la définition de l’objet social de l’entreprise dans le Code civil. « Jusqu’à présent, il fallait essentiellement s’en remettre à l’article 1832 du Code civil, qui précise que la finalité d’une société est de réaliser un bénéfice ou une économie profitant aux associés. Désormais, il faut tenir compte également de l’article 1833 alinéa 2. Lequel prévoit que la société est gérée dans son intérêt social en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. C’est la première fois qu’une norme de gestion de la société est posée par le Code civil », estime Nicolas Borga, professeur de droit à l’université Jean-Moulin-Lyon-III et membre du comité scientifique du cabinet Fiducial Legal by Lamy. Toutes les sociétés, d’une EURL à une société cotée en Bourse en passant par les SCI ou les sociétés d’économie mixte, sont soumises à cette nouvelle rédaction de l’ article 1833 du Code civil . Elles n’ont aucune démarche particulière à accomplir pour que leur intérêt soit désormais élargi.

Une « raison d’être » dans les statuts

Deuxième apport de la loi Pacte à l’ article 1835 du Code civil  : la possibilité de modifier ses statuts et d’y insérer une « raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». A la différence de l’intérêt social, il ne s’agit toutefois que d’une option. L’objectif est, comme avec la modification de l’article 1833, d’intégrer au sein du Code civil la philosophie de la responsabilité sociale de l’entreprise. La raison d’être traduit une ambition de la société et, comme l’intérêt social, elle marque une volonté politique de faire émerger des préoccupations qui ne soient pas seulement financières et à court terme. Elle va donc en quelque sorte servir de guide pour les décisions importantes. « Le Gouvernement souhaite faire évoluer le comportement des acteurs avec des outils qui ne sont pas nécessairement très contraignants, et privilégier une approche volontaire de droit souple. Ce n’est pas un engagement définitif. La raison d’être peut en effet être modifiée voire supprimée, à condition d’avoir une majorité renforcée  », explique Nicolas Borga. Il appartient ainsi à l’entreprise de définir l’intensité de ses obligations.

Un statut de société à mission plus contraignant

Troisième nouveauté, la création du statut de  société à mission . L’idée est de permettre uniquement aux sociétés commerciales qui le souhaitent de poursuivre dans le cadre de leur activité « un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux », selon le nouvel article  L. 210-10 du Code de commerce . Toute mission d’intérêt collectif ou général, telle que la protection de l’environnement, le maintien d’une implantation locale ou la revitalisation d’une région, peut ainsi figurer dans les statuts. Ce statut, qui doit être déclaré au greffe du tribunal du commerce et qui correspond à une labellisation, suppose une démarche particulière. Une approche bien plus contraignante que la raison d’être, car plusieurs conditions doivent être respectées. La raison d’être doit être en premier lieu précisée dans les statuts. Ces derniers doivent formuler la mission, son impact social, sociétal ou environnemental, les objectifs chiffrés ainsi que les modalités de suivi. Les enjeux de la mission doivent également être intégrés dans la gouvernance de l’entreprise, soit au sein de l’organe de contrôle principal, soit par la création d’un comité de mission distinct. « L’exécution des objectifs doit par ailleurs faire l’objet d’une vérification par un organe tiers et indépendant  », commente Nicolas Borga. Un dispositif clairement destiné à inciter les entreprises à adopter un comportement plus vertueux.


Mon commentaire

Une avancée fondamentale !

Quand j’étais en école, notre professeur d’économie nous avait posé une question : « Quel est le but d’une entreprise ? ». Les réponses des élèves allaient de : développer les compétences des salariés, à, croître vite pour devenir le leader de son marché. « Vous avez tous faux » nous avait répondu l’enseignant. « Le seul et unique objectif d’une entreprise c’est de gagner de l’argent ! ». Voici l’état d’esprit dans lequel j’ai attaqué ma vie professionnelle.

Ainsi, depuis toujours, une entreprise existe pour faire des bénéfices. On parle de maximiser ces profits, d’accroître sa rentabilité, bref de cracher du cash. Il n’est pas rare alors de voir des décisions prises par des financiers, tout puissants dans ces organisations, aller à l’encontre des réalités opérationnelles du terrain et même parfois du business.

Oui, il est nécessaire de faire des bénéfices pour maintenir un niveau d’excellence dans son domaine (formations, R&D, investissements, …). Mais où est la limite ? A quel moment décide-t-on que les coupes budgétaires et les plans sociaux ne servent plus l’entreprise mais les financiers. Sommes-nous allés trop loin ?

Gilles Rapaport

Un élément de réponse se trouve peut-être dans l’appétit des fameuses générations Y, Z et millénials pour la quête de sens. La demande est là. Nous voulons plus de sens dans notre engagement au travail. Un salaire ne suffit plus. Mais où est l’offre ? Aujourd’hui, bien souvent quand on cherche du sens, on se tourne vers le monde associatif ou l’économie sociale et solidaire (ESS). Et l’entreprise classique alors ? Un collectif d’étudiants propose aujourd’hui de renverser la vapeur en mettant à disposition des candidats à l’embauche un questionnaire à dérouler pendant l’entretien sur les valeurs et la responsabilité écologique et sociale de l’entreprise.

Pour un réveil écologique

Autre élément de réponse : la prise de conscience des dégâts environnementaux et sociaux liés à ces exigences financières outrancières. Aujourd’hui, il semble clair que l’univers économique dont fait partie le monde de l’entreprise contribue largement à ces dérèglements sociaux et environnementaux et à l’épuisement des ressources. Pollutions de l’industrie et de la grande consommation, généralisation des burn out et précarité des emplois n’en sont que quelques exemples parmi tant d’autres.

Oui, cette loi n’est pas contraignante. Elle repose sur la vertu morale des acteurs économiques. Et en même temps, elle pose les bases juridiques et constitutionnelles d’un grand changement.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *